Elmouatassim.

Balades au Rollwaling, Act. 2

· Elmouatassim

14 novembre 2019

Jour 5. Le matin devient de plus en plus frais. J’ai quitté Dongang tôt vers 7 am. L’objectif de la journée était d’atteindre Naa. Pour y aller il suffit de continuer à remonter la rivière Rollwaling à travers un sentier qui passe par une forêt d’altitude très riche en végétation. J’ai continué à marcher et à suivre ce sentier que je ne trouve pas sauvage du tout ; les habitants de la vallée ont tout fait pour qu’il soit facile. Partout il y a des marches en béton qui sont enveloppées dans des filets métalliques. Je peux comprendre pourquoi font ils ceci, probablement pour rendre le sentier accessible à tous et puis pour le consolider ils mettent des matériaux non écologiques mais qui durent plus longtemps et préservent le chemin contre les glissements de terrain et les moussons agressives de l’été. En continuant sur ce chemin on sort peu à peu de la forêt et le pays sherpa commence à se dévoiler sous nos yeux.

Au refuge suivant j’ai croisé un groupe d’hommes qui travaillaient sur le chantier d’un nouveau gîte. Ils disaient qu’il serait prêt pour la prochaine saison. L’homme qui parlait le mieux anglais était un peu inquiet quand je lui ai fait part de mon projet, à savoir la traversée du col Tashi Lapsa sans guide. Il disait que j’en avais pour au moins deux journées de progression sur un glacier très mal cairné et dangereux. La sévérité de l’expression qu’il affichait sur son visage m’a fait un peu douter de mon projet et de ma capacité à le faire. J’étais pourtant confiant pour rejoindre le Khumbu en une journée à partir de Naa.

J’ai continué à remonter la rivière jusqu’à Beding, un village sherpa niché sur le flanc d’une montagne massive. Ici on a l’impression que le temps ne tourne plus. C’est très paisible et reposant comme endroit. Je me suis installé dans ce village pour le déjeuner. La première chose que j’avais remarqué à l’entrée du village est son caractère fantôme et sinistre ; beaucoup de maisons sont désertes et fermés. C’est dommage parce-qu’elles représentent un bel héritage. Les nouvelles maisons sont construites avec des matériaux plus résistants et modernes et puis les toitures en pierres de lauze ont cédé leurs places aux toitures en tôles bleu et rouge. Toutes les maisons habitées sont concentrées au niveau de la sortie du village avec les trois lodges. La population du village n’est pas très importante et est principalement composée de personnes âgées.

Ce village est situé à 3600 mètres d’altitude, les terres autour ne sont pas très fertiles et permettent uniquement de faire pousser du millet et des pommes de terre ; les conditions sont rudes en hiver et malgré tout ça, la population âgée continue à vivre ici même si leur progéniture quitte massivement les lieux. On ne voit pas beaucoup d’hommes dans le village. Ils travaillent presque tous dans le tourisme autant que guides ou porteurs dans les expéditions du Khumbu. Beaucoup meurent jeunes ou sont malades à cause des conditions rudes de travail. Les femmes âgées sont toutes joyeuses et portent le costume traditionnel avec la ceinture métallique. Elles étaient presque toutes chargées avec des paniers pleins de bois. L’hiver approche et quelques hommes du village étaient dans le bois affairés à abattre des arbres et les couper en petits morceaux, les femmes faisaient le transport dans les paniers de bambous tressés. Après ma petite pause déjeuner j’ai repris le sentier pour deux heures de marche afin de rejoindre Naa.

Naa est une vallée utilisée par les habitants de Beding l’été afin de cultiver quelques parcelles de terres et faire paître les Yaks. Ici il y a un peu plus d’espace et la vallée est plus ensoleillée. J’y ai pris une chambre dans un lodge récemment construit et un dîner que j’ai partagé avec deux couple d’européens et un sherpa qui officiait comme guide pour l’un des deux couples. Le sherpa était marrant, il était saoul et à chaque fois qu’il se présentait à quelqu’un il racontait ses ascensions himalayennes. Ici les habitants utilisent les bouses de Yaks séchées pour cuisiner et se chauffer.

Séchage de bouses de Yaks
Séchage de bouses de Yaks

Un troupeau de Yaks croisé entre Beding et Naa
Un troupeau de Yaks croisé entre Beding et Naa
1488m D+ / 130m D-
1488m D+ / 130m D-

15 novembre 2019

Jour 6. Réveil à 6 am dans un lodge complètement gelé, il y avait dans les toilettes une fine couche de glace qui s’est formé la nuit. Il a dû faire très froid mais j’avais bien dormi dans mon sac de couchage. J’ai pris deux pancakes avec du beurre pour le petit déjeuner et ensuite je suis parti pour ce col dont tout le monde parle. Le chemin devient plus sauvage et authentique après Naa, il monte doucement jusqu’au lac sacré Tsho Rolpa. Arrivé au lac on monte un petit chemin qui nous mène à une vallée cachée au sud du lac dans laquelle une petite rivière ruisselle tout le long. On y trouve aussi une tea house fermée et avec une pièce ouverte où on peut dormir si on a un matelas et un sac de couchage. Après cette vallée on attaque une pente bien raide qui nous emmène sur une moraine de glace et à partir de laquelle on revoit le lac et on aperçoit surtout le cirque vers lequel on va.

Après la moraine de glace il faut descendre vers le glacier. À partir d’ici il faut repérer les cairns et suivre le chemin qui longe le glacier à l’est. Ensuite ce chemin pénètre dans le glacier et serpente entre les crevasses pour rejoindre le fond du cirque.

Marcher à cette altitude sur ce glacier n’est vraiment pas évident, on passe notre temps à faire du sur place même en enchaînant des montées et descentes interminables. Repérer les cairns est très fatigant aussi à cause du soleil. Je me suis tordu la cheville à plusieurs reprises en essayant de progresser vite tout en repérant les cairns. Cette partie m’a épuisé mais le paysage est d’une beauté époustouflante. Le sentiment de solitude et d’isolement est très fort. On trouve aussi sur ce glacier quelques grottes creusées dans la glace.

Je me suis arrêté à un endroit où il y a un gros caillou en équilibre sur un petit bout de glace. Il y a ici un emplacement de camping, j’y ai posé ma tente. J’ai voulu récupérer de l’eau à partir de la cascade d’eau mais je n’avais plus de force pour y aller, j’ai trouvé une flaque d’eau glacée que j’ai brisé pour récupérer l’eau en dessous. J’ai englouti deux paquets de noodles et je me suis mis au sac de couchage.

1205m D+ / 530m D-
1205m D+ / 530m D-

16 novembre 2019

Jour 7. Réveil très difficile aujourd’hui, la nuit seul sur un glacier ne donne pas envie de sortir de la tente tant qu’il n’y a pas de soleil dehors. Il faisait froid dans ce cirque rocheux/glacier et je suis resté dans le confort relatif de mon duvet. Le soleil se faisait désirer et a tardé à répandre ses rayons sur ma tente, je me suis donc ressaisi vers 8:30 am. Après un petit déjeuner à base de muesli, je suis donc sorti ranger mes affaires et ma tente dans ce froid qui pénètre les os des mains à travers ces brizes d’air que dégage régulièrement le bleu des glaciers. Je ne me sentais pas en forme quand j’avais le sac sur le dos et j’avais un peu peur d’aller au col seul. La nuit était très bruyante à cause des chutes de séracs, de pierres et des avalanches violentes.

Je suis quand même allé vers le col à 9 am. Le chemin monte raide dans la falaise à l’ouest du cirque jusqu’à ce que l’on retrouve une flèche rouge qui indique la descente. Ici on retrouve un passage câblé en dessous d’une falaise impressionnante. Ce passage a été équipé par deux équipes paraît-il, des italiens et des nepalais. Il était tard et les chutes de pierres avaient déjà commencé sur cette falaise. Il aurait fallu commencer la traversée tôt avant 8 am. En effet, le gel formé la nuit va tenir les pierres ensemble et les empêcher de tomber de la falaise mais dès que le soleil commence à réchauffer la paroi rocheuse, les pierres commencent à tomber. J’ai réfléchi un moment et je me suis décidé à faire demi tour. Sans casque, sans téléphone satellite et seul, évoluer dans cet environnement hostile de haute montagne aurait été risqué. Je suis donc revenu sur mes pas.

J’ai traversé encore une fois ce glacier dans l’autre sens vers Naa. Ça me semblait interminable et je suis arrivé à Naa après la tombée de la nuit, j’ai repris un lit dans le même lodge. Après un bon dîner bien chaud je suis allé dormir. Ce soir il y avait au lodge les deux dames françaises que j’avais croisé à Jagat. Elles partaient pour le lac le lendemain. Avant de dormir je me voyais toujours sur cette brèche hésitant à y aller. Un sentiment de frustration que je n’aime pas du tout.

17 novembre 2019

Jour 8. En me réveillant ce matin, j’avais décidé que j’étais fatigué pour repartir dans ce col seul et avec mon gros sac. J’avais plutôt envie de descendre plus bas, à Simiguaon, courir et pratiquer des asanas. Je suis donc descendu à Beding pour me reposer après le petit déjeuner. J’ai pris un lit dans le lodge où j’avais déjeuné la dernière fois, j’ai lavé quelques chaussettes et réorganisé mon sac. Après le déjeuner je me suis posé sur une parcelle de terre pour prendre les rayons de soleil. Les deux dames françaises étaient arrivées à Beding en début d’après-midi. L’une d’elles connaît très bien la vallée. Elle a en effet adopté une fille de Beding il y a 20 ans. Les habitants du village l’appellent Mommy et sont tous très contents de la voir.

Elles m’ont proposé un thé chez un monsieur qu’elles connaissent, Fuba. Il était guide dans les expéditions himalayennes et moine bouddhiste dans sa jeunesse. Nous sommes allés le voir dans la maison de sa copine. Il nous a préparé un café et nous a offert des sucreries. Il était très content de voir Mommy et nous a exposé ses vieux albums photos et son ancienne vie de moine. Il a les mains complètement déformés par le froid et le travail rude. C’était une belle rencontre.

Suite à ça j’ai fait un tour au village, c’était très calme, froid et austère. Ensuite je suis allé dîner au lodge. Ce soir il y avait dans la cuisine autour du feu un guide complètement saoul qui racontait un charabia incompréhensible, il buvait un alcool fort et tapais avec son poing dans la bouteille avec un sourire presque malsain. Il a en quelque sorte gâché la soirée que je voulais passer tranquillement autour du feu. Je suis donc monté retrouver mon duvet.

The end

J’avais décidé de continuer à descendre pour rejoindre Simiguaon. J’y ai passé trois nuits tranquillement, à lire ou courir entre les villages de la vallée. J’étais resté dans la maison de l’instituteur du village. Sa maison d’hôtes s’appelle “Mitini” et ça veut dire “un bon ami”. Il est très gentil et vit avec sa femme et son enfant. Ces deux autres enfants vivent à Katmandou.

Sur le chemin de Simi, moi et mon sac bleu.
Sur le chemin de Simi, moi et mon sac bleu.

Trail autour de Simi
Trail autour de Simi

Le 21 novembre je suis descendu tôt le matin de Simi à Chetchet afin de prendre le bus de 6 am. Je l’ai raté de 5 minutes et j’ai dû attendre celui de 7 am. Après quelques stops le bus était plein à craquer, heureusement que j’avais sécurisé une place assise à Chetchet. J’étais le seul touriste à bord. La route de Chetchet à Charikot est catastrophique malheureusement, de Charikot à Kathmandu elle est encore pire. Je suis arrivé à Katmandou tard vers 8 pm. J’ai pris un lit dans un dortoir et le lendemain j’étais parti à Pokhara me reposer au bord du lac.

talk to me

Ask me anything, would love to hear from you